Agritech : la technologie au service d'une meilleure agriculture
Avec la contribution de Cristina Anton-Villa, CEO et fondatrice d'Agrosymbiose
Lorsqu’on parle de changement climatique, je me sens de plus en plus anxieuse, pas vous ?
Pour moi, c’est l’aspect visible des effets dévastateurs de l’augmentation des températures qui fait office de lanterne rouge : sécheresse, cyclones, incendies géants, inondations meurtrières, et autres phénomènes incontrôlables. Je réalise que le tri de mes déchets sert surtout à me donner bonne conscience. D’accord, je n’ai plus de voiture, mais c’est facile quand on habite Manhattan. Tout le monde ne peut pas habiter en ville, ni se payer une voiture électrique.
Le télé-travail pourrait être une bonne nouvelle, si les déplacements domicile -travail ne sont pas remplacés par des déplacements plus longs pour aller dans une résidence secondaire (un logement sur dix est une résidence secondaire en France) ou dans de la famille. Pour les émissions dues aux transports, la montée du prix de l’essence est sans doute un facteur beaucoup plus puissant pour inciter les individus à réduire leurs déplacements.
Lire ici un article de la Harvard Business Review sur le sujet de l’impact du télétravail sur l’environnement. Cela pourrait être positif, à condition que les entreprises adoptent les bonnes pratiques et suivent les bons indicateurs.
En matière de voyages professionnels, Deloitte s’est intéressé au sujet en 2021 dans cette étude. 90% des répondants pensaient revenir à 75% de leur niveau de dépenses de 2019 au quatrième trimestre de 2022. Ce serait intéressant de voir le résultat a posteriori, mais je ne suis pas très optimiste (même s’il faudrait raisonner en kilomètres parcourus plutôt qu’en coût, ce dernier étant en augmentation).
Je digresse mais j’arrive à mon sujet du jour. Avant de parler avec Cristina Anton Villa de son entreprise dans l’agritech, je n’avais pas connaissance du niveau des émissions globales de la planète en provenance de l’agriculture et de l’élevage.
McKinsey a publié une étude sur le sujet de l’agriculture et du changement climatique dont est issu le schéma ci-dessous. Je reviens plus loin sur d’autres informations fournies par leur document.
A titre individuel, on peut décider de manger moins de viande rouge, mais c’est surtout au niveau sectoriel que les changements doivent s’opérer. Et la technologie ne peut pas tout résoudre, mais contribuer aux solutions.
Les défis de l’Agritech
Dans cet article, InvestmentMonitor fournit la définition suivante de l’Agritech (traduite) :
L'agritech est l'application de la technologie pour produire plus avec moins, pour rendre le processus agricole plus efficace, du contrôle sur le terrain à la chaîne d'approvisionnement alimentaire elle-même.
Dans son rapport, McKinsey estime la participation de l’agriculture à l’émission de gaz à effet de serre à 27% dans sa globalité, et 45% des émissions de méthane. Une récente édude de l’université Stanford (voir cet article) démontre que les rendements agricoles sont 21% plus faibles que ce qu’ils devraient être du fait des changements climatiques. Dans le même temps, la demande pour les produits agricoles ne cesse d’augmenter, avec une population mondiale qui devrait atteindre 10 milliards d’individus en 2050 et une augmentation de la consommation individuelle de 8 à 12% dans les trente prochaines années.
Comment résoudre ce cercle vicieux : + de demande ▶ + de Gaz à Effet de Serre ▶+ de changements climatiques ▶ - de rendements ?
L’étude de McKinsey se focalise sur des techniques éprouvées et connues :
“A set of proven GHG-efficient farming technologies and practices—which are already being deployed—could achieve about 20 percent of the sector’s required emissions reduction by 2050.”
Vingt-cinq mesures sont mentionnées, dont quinze détaillées dans le rapport. La plus efficace consisterait à utiliser des équipements agricoles à émission neutre, avec un impact positif sur le coût. Compte tenu de l’énorme impact de l’élevage dans les émissions, huit mesures sont relatives à ce domaine, comme par exemple la sélection génétique de ruminants qui émettent moins de méthane 😮. Des résultats très signiticatifs peuvent également être obtenus en améliorant la culture du riz.
Le principal défi est d’étendre l’usage de ces techniques, alors que les trois quarts des exploitations sont de toutes petites propriétés privées.
En ce qui concerne les exemples cités par InvestmentMonitor, j’ai retenu :
Pour produire différemment : les bioplastiques ou la nourriture pour bétail à base d’algues,
Pour produire plus tout en améliorant la logistique : les fermes verticales ou urbaines, ou la culture hydropronique consiste à utiliser une solution liquide, ce qui permet de faire pousser des plantes dans des conditions difficiles.
Pour encourager le processus appelé “sequestration”, qui consiste à capturer le dioxide de carbone dans les sols cultivés, l’initiative Terraton a été lancée en 2019.
Pour tirer partie d’autres technologies : la blockchain pour la traçabilité alimentaires, les robots pour se débarasser des mauvaises herbes sans pesticides, et bien sûr l’IA, le Machine Learning, les nano-technologies ou encore l’analyse des données.
C’est dans ce dernier domaine qu’opère la société créée par Cristina Anton-Villa, Agrosymbiose. Pour Cristina, il faut aider les agriculteurs maintenant si on ne veut pas manquer demain. Et elle pense que cela pense par l’aide du numérique.
Agrosymbiose, entreprise à mission
J’ai rencontré Cristina sur les bancs d’HEC lors de la formation pour dirigeants sur le Pilotage de la Transformation Digitale. Après un parcours dans l’agroalimentaire en France et aux Etats-Unis, Cristina a choisi l’entrepreneuriat pour avoir le maximum d’impact dans la cause qui lui tient à coeur : la défense du climat.
Agrosymbiose est d’abord une entreprise dite d’intelligence climatique (climate smart agriculture), un sous-domaine de la green tech qui s’appuie sur l’agriculture de précision, l’analyse des données et l’intelligence artificielle. Cela lui a permis d’être sélectionnée par AWS au sein du Loft Start Up Accelerator Program du fait de son orientation deeptech.
La solution imaginée par Agrosymbiose repose sur la collecte de données et l’utilisation d’intelligence artificielle. Des capteurs sont installés à plusieurs niveaux, dans le sol, les plantes et, l’atmosphère. Les données proviennent également de satellites, voire de drônes pour les agriculteurs qui le souhaitent. Cela peut par exemple permettre de détecter une maladie avant même son apparition sur les plantes, simplement en observant des facteurs de stress. Une application web et mobile accompagne l’agriculteur dans la gestion de son exploitation.
Le point essentiel est d’accompagner et soutenir l’agriculteur dans sa transformation pour l’aider à réduire au maximum ses émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et maximiser les outils naturels de captation dont il dispose déjà dans ses champs.
Le deuxième volet de la solution s’attaque à la monétisation des améliorations obtenues.
Un système gagnant-gagnant qui devrait être encouragé par l’UE
Pour résoudre l’équation compliquée décrite plus haut, Agrosymbiose a opté pour une approche holistique, qui prend également en compte les difficultés financières des agriculteurs en leur proposant un complément de revenus. L’analyse des données et les recommandations qui en découlent permettent de dégager des bénéfices climatiques. Ce sont ces derniers, comparés par rapport un bilan établi au départ, qui vont pouvoir être transformés en crédits carbones directement dans la plateforme. Ces crédits peuvent alors être acquis par des entreprises directement ou sur une marketplace NFT (en cours de développement).
Pour les agriculteurs, la commercialisation de chaque crédit leur rapportera entre 30 et 60 € sur le marché volontaire du carbone actuel. A partir du moment où l’UE aura décidé l’intégration du secteur agricole dans le European Trading System (ETS), les prix de ces crédits pourraient atteindre jusqu’a 90€ (cours actuel selon carboncredits.com).
En somme, mieux ils gèrent le bilan GES de leur ferme, plus ils pourront améliorer leur situation économique.
En savoir plus sur l’ETS ici.
Le projet d’Agrosymbiose vous intéresse ?
Voici ce que dit Cristina au sujet de ses besoins actuels :
“Nous sommes en phase de finalisation d’une partie de notre développement technologique. Nous avons lancé notre commercialisation auprès des agriculteurs. Nous avons besoin de ressources financières idéalement en provenance d’entreprises qui souhaitent s’engager avec les agriculteurs via des “contrats de pré-achat ou d’options” sur des futurs crédits de carbone issus des agriculteurs avec qui nous sommes déjà partenaires (via l’Institut d’Agriculture Durable).”
Pour contacter Cristina, envoyez moi un message (aurelie75@itbusinesscrush.fr)
🥯Everything Bagel
🖥 Crewdle, l’app de vidéo conférence verte : pour remplacer Zoom dans votre équipe, pourquoi ne pas vous tourner vers une solution moins énergivore et plus économique ? Je l’ai testée pour vous, la qualité est bonne et le support est super réactif.
🎙 Le podcast : pour rester dans le domaine de l’écologie, j’ai écouté plusieurs épisodes d’Electric Ladies, “interviews with women leaders on energy, climate, sustainability and corporate responsibility”. Ils ne sont pas trop longs, très structurés, et les sujets traités sont très intéressants. En prime, des conseils carrière en fin d’épisode.
💡Innovation : suite à ma newsletter sur l’informatique quantique, je surveille l’actualité dans le domaine. La startup anglaise Oxford Quantum Circuits vient de lever $47M en série A pour poursuive son développement d’offre de Quantum-computing-as-a-Service avec une machine de 8 qubits.
🌱 Finance verte : un nouveau fonds vient de voir le jour, alors que 40 milliards ont été investis en 2021 dans les startups de technologie climatique (climate tech) : Climentum Capital démarre en Europe du Nord avec €150M pour financer des startups dans le domaine, en incluant des objectifs d’impact positif sur le climat. Je leur souhaite de réussir et de montrer le chemin à beaucoup d’autres.
Bonne quinzaine à tous, je vous retrouve une dernière fois avant la pause estivale.
From NY with love, Aurélie